La perception de l’adultère dans la société, partie 1 : du côté Coréen

 Envoûtant, palpitant et émouvant 

Quelle aventure inédite et si excitante à la fois, parce que cette collaboration réunit trois personnes et qu’en plus ce sont des personnes que j’estime et apprécie beaucoup. Je n’ai jamais fait de collaboration à trois et justement, je trouve cela très rafraîchissant de sortir du cadre conventionnel en expérimentant en trio. De plus comme on dit, plus on est, meilleur ce sera! Un trio non conventionnel, comme le disais-je, mais rempli de bonnes intentions, débordant d’énergie et de passion pour les dramas. Comme vous l’avez donc compris, je suis vraiment heureuse de le faire avec JustB avec qui j’ai déjà collaboré et qui a été une magnifique expérience, et Law avec qui je collabore pour la première fois et avec qui j’avais d’ailleurs très envie de collaborer. Nous avons de plus toutes les trois très souvent les mêmes avis et goûts. Alors, cette collaboration s’annonce déjà rocambolesque, déroutante et passionnante. Je vous remercie donc de m’avoir proposé de rejoindre cette aventure dramatesque. La critique que nous allons vous présenter se porte sur un drama qui a fait peu de bruit en début de diffusion, puis qui a fini par gagner le cœur des spectateurs et mêmes les plus endurcis, témoignant donc de la grande prouesse qu’il a réalisé. Lorsque je l’ai commencé, je me souviens que je trépignais d’impatience de pouvoir le regarder mais les deux premiers épisodes ont demeuré longtemps sans traduction car sans doute, d’autres dramas, eux aussi à l’affiche, accaparaient les viseurs. Mais il n’a pas fallu bien longtemps pour qu’il soit enfin apprécié à sa juste valeur et je vous laisse le (re)découvrir avec nous si vous le souhaitez. Un article sur mon blog est disponible pour ceux qui souhaitent lire mes premières impressions sur ce drama (ici).

Je suis encore une fois très contente de réaliser une nouvelle collaboration avec Law et Manon, deux blogueuses à la fois passionnées et passionnantes, et à la plume remarquable ! Je vous invite, si ce n’est déjà fait, à venir contempler leur blog ! Une fois de plus, notre soeuroralité a frappé, nous sommes tombées toutes les trois sous le charme d’un drama particulièrement poétique et révélateur d’une société coréenne qui ne demande qu’à évoluer. Love Affairs In The Afternoon est le genre de drama à poser un décor banal du quotidien pour nous pousser à la réflexion. Un genre que nous apprécions grandement alors il était impossible pour nous de faire l’impasse sur ce drama. Sans plus tarder, je vous laisse lire notre écrit à six mains.

Tout comme mes acolytes dans cette aventure folle, je suis ravie de prendre part à l’écriture d’un article collaboratif sur un drama qui a été, pour nous trois, un véritable coup de cœur. Réitérer l’expérience en compagnie de JustB fut un véritable plaisir, et cette première collaboration avec Manon fut également des plus agréables et j’espère bien avoir l’occasion de renouveler ça à l’avenir ! Nous avons donc choisi de vous parler du drama Love Affairs In The Afternoon, puisqu'il s’agit d’un drama qui n’a pas fait autant de bruit que nous l’aurions souhaité et qui a su nous toucher de plein fouet grâce à ses nombreux atouts. Asseyez-vous confortablement, prenez une boisson chaude et armez-vous de patience car nous allons vous détailler nos impressions sur ce drama qui possède de multiples points clefs que nous tenions à aborder.

Son Ji Eun est une jeune femme accomplie en apparence qui aménage dans une petite ville avec son mari, et ses deux oiseaux, en raison du travail de ce dernier. Elle en vient à travailler à mi-temps dans un supermarché et fait de son mieux pour que sa vie familiale se déroule sans obstacles. Cependant, les obstacles découlent de sa vie bien trop calme qui commence à lui peser et l’ennui se fait rapidement ressentir... jusqu'au jour où elle rencontre Yoon Jung Woo, un enseignant en biologie qui va venir briser sa routine et son quotidien. Choi Soo Ah est quant à elle mère de famille et jouit pleinement de sa vie de femme dans les bras d’autres hommes en revendiquant ses convictions tout en profitant de son statut de riche épouse. Une femme ayant soif de liberté et qui fera elle aussi la rencontre de Ji Eun, pour le meilleur ou pour le pire...

Certaines rencontres font des étincelles, et elles sont d’autant plus belles lorsqu'elles sont impromptues et viennent réinterroger durablement le bonheur d’un individu, qui peut être vécu d’ailleurs comme un bouleversement, en faisant vaciller notre monde. Ce genre de rencontres dont on ne sort pas indemnes, sur laquelle on se retourne pour voir d’où elle vient et comprendre ce qu’il se passe, sur laquelle on n’a aucun contrôle, comme l’eau qui emporte sur son passage les amants pour un voyage indéterminé, et sur laquelle on ne peut lutter si ce n’est se laisser porter... Un coup de foudre à l’état pur qui vient éveiller les sens. Voila comme je définirai le tableau de ce drama, qui met en scène deux jeunes femmes, aux vies et convictions grandement différentes, mais à l’aspiration commune : l’urgence de liberté et celle d’aimer. L’une a choisi d’embrasser son destin sans regret, quant à l’autre tente péniblement de résister à ce qui se présente à elle au nom des bonnes mœurs...

Mais peut-on raviver une flamme qui s’est éteinte depuis bien longtemps... ? Des vies mornes, sans saveurs, ni passion, qui font défiler inlassablement les jours comme s’ils se ressemblaient et qui enferment un quotidien et surtout nos protagonistes dans le confort de la routine. Une vie rangée, nous disions, mais avant tout un désengagement total dans la vie, qui s’illustre par l’ennui chronique, la rupture de dialogue et toute forme de communication avec l’être (ex)-aimé, le vide de soi et de celui avec qui on partage sa vie, qui n’a de partage d’ailleurs que la pièce dans laquelle ils vivent et le statut marital, le délaissement de celui que jadis on portait dans notre cœur et enfin l’engourdissement des sens. En bref, une vie sans relief ni surprise, qui maintient illusoirement nos personnages dans une existence parfaite, et pourtant dépourvue ô combien de bonheur. Mais difficile de faire face au coup de foudre, s’apparentant au choix du cœur, et une vie ordinaire et calme sans risque ni complications, qui ressemble au choix de raison.

Un choix de raison qui est propre à l’homme mais qui est aussi dicté par une société encore bien trop patriarcale. Le regard des autres devient essentiel pour chaque geste, surtout lorsqu'on a l’impression de dévier du chemin. Alors comment faire effectivement lorsqu'un coup de foudre amoureux vous fait perdre la raison et vous pousse enfin à briser la cage dorée de laquelle vous ne pouviez plus sortir ?

Son Ji Eun : Elle est une jeune femme calme, discrète, et d’une certaine humilité. Elle aspire au bonheur mais subit l’ennui du quotidien jusqu'à l’arrivée de Jung Woo. Souvent indécise, c’est avec l’aide de sa précieuse amie Soo Ah qu’elle parvient doucement à franchir les obstacles qui se présentent à elle.

Yoon Jung Woo : Il est enseignant en biologie et possède une véritable passion pour la photographie. Son principal hobby est de se promener dans la nature à la recherche de quelques clichés supplémentaires. Il est motivé par la passion, cette dernière étant refrénée par les désirs de sa propre femme. C’est au travers de Ji Eun qu’il reprendra goût au partage.

Choi Soo Ah : Mariée à un riche homme d’affaire avec qui elle a eu deux enfants, Soo Ah est une femme battante qui va rapidement laisser tomber son tablier de femme au foyer pour trouver son propre bonheur. Son mariage sans amour ne lui convenant plus, elle décide de s’aventurer sur le chemin des jeux de la passion avec plusieurs bels hommes jusqu'à ce qu’elle rencontre Ha Yoon, l’amour de sa vie. Là commence alors un réel dilemme entre l’amour passionnel et l’amour maternelle.

Do Ha Yoon : Il s’agit d’un peintre passionné qui verra en Soo Ah sa muse longtemps cherchée. Complètement envoûté par les charmes de cette femme fatale, il n’envisage plus sa vie sans elle. Tous deux déjà mariés, le chemin s’annonce bien long avant d’atteindre le bonheur.

Parler de ce drama, c’est avant tout évoquer la poésie qui le caractérise, en image et en mots. La métaphore filée qu’on retrouve continuellement dans le drama, c’est la figure de l’oiseau enfermé dans une cage dorée, comme nos protagonistes qui sont prisonniers de leurs vies rangées et parfaites en apparence, mais qui vont peu à peu prendre leur envol vers des contrées inconnues et sensuelles...

D'ailleurs, l’un de nos personnages veille sur un couple d’oiseaux inséparables, nommés Amour et Fidélité/ Foi/Espoir,qui vivent dans la fameuse cage dorée. Cependant un des oiseaux finit par s’enfuir, ne pouvant donc se soustraire à une existence sans liberté... A l’image de l’oiseau nommé amour, symbolisant donc l’amour et l'union de nos protagonistes, l’amour a fini par quitter le nid de ce couple. Il s’envole pour une autre destination, en quête d’une autre vie, plus heureuse et imprévisible. Au-delà de ces allégories clairement reconnaissables, le drama vient questionner attentivement la notion de liberté car comme on le sait, les oiseaux sont par définition des êtres indépendants grâce à leurs ailes qui leur permettent de s’élancer n’importe où ils le souhaitent. Ce motif littéraire existe d’ailleurs depuis l’Antiquité, puisque c’est devenu une tradition de représenter l’oiseau comme symbole de liberté. D'ailleurs à l’image de l’oiseau qui peut être également facilement bridé en étant en cage, les êtres humains peuvent l’être tout autant de manière directe, par l’enfermement physique, ou de manière indirecte par les choix que l’on fait et qui nous asservissent... Pour revenir au sujet de l’oiseau qui s’est enfui de sa cage, cette perte fera chanceler le couple déjà fragile à cette époque, et créera une fissure indélébile... L’espoir, deuxième oiseau, est quant à lui résolu à rester confiné par ces barrières qui le closent.

Contre toute attente, c’est lors de la recherche de l’oiseau, que l’amour de façon inespérée va pointer le bout de son nez... L’un de nos protagonistes va former le nouveau couple d’inséparable car dans toute histoire d’amour, il y a la réunion de l’amour, la fidélité et de la foi en cette histoire, qu’ils symbolisent tous les deux par leurs regards et mains conjointes.

Comme je l’avais dit dans mon article et que je reprends ici, ce drama m’a directement fait penser au mythe flaubertien avec Madame Bovary en version contemporaine, avec des personnages enveloppés dans leurs illusions, le silence et leurs désirs. Le drama propose une représentation masculine et féminine de ce mythe, et doublement visible par une mise en abyme du livre (et du film) 50 Shades Of Grey, que l’un des personnages va éditer. J’ai été d’autant plus frappée par le parallèle entre Madame Bovary et Love Affairs In The Afternoon, que de nombreuses scènes au début montrent Son Ji Eun et Choi Su Ah observer par la fenêtre dehors l’animation des rues d’un regard contemplatif, semblable à Emma Bovary qui se satisfaisait de ce seul moment d’action dans sa vie qui semblait bien oisive (métaphore de l’oiseau: comme un oiseau en cage épris de liberté mais qui s’ennuie), vide, seule et solitaire. C’est une façon d’exprimer qu’elles sont passives, désœuvrées et surtout désabusées par la situation; elles rêvent plus leurs vies que ne la vivent, voire la laisse défiler sous leurs yeux sans y prêter attention.

On a une forme de pureté et innocence chez Son Ji Eun et Yun Jeong Wu, qui tâtonnent à l’aveugle et involontairement dans les prémisses de l’amour, sans se rendre compte qu’ils empruntent un chemin plus dangereux que ce qu’ils croyaient; puis en contraste, nous avons Choi Su Ah, femme forte, inflexible et fatale qui assume pleinement sa sensualité, notamment avec Do Ha Yun, avec lequel elle cède à la passion interdite et qui parvient à ranimer son cœur pourtant endurci par les années, un mari négligent et un abandon de ses rêves les plus intimes...

Deux femmes que tout oppose en apparence, par le choix de vie que l’une considère débridée, et l’autre murée dans son silence et son malheur, mais qui finissent par devenir amies et découvrent l’amour à un certain prix... Choi Su Ah lui fait entrevoir un mode de vie qui se préoccupe peu des regards désapprobateurs et jugeant, mais qui se soucie de ses envies : vivre pour soi et non pour les autres, voilà le dicton qu’elle lui rappelle assidûment. Deux femmes différentes donc forcément deux histoires différentes. Et cela se ressent au niveau du développement des histoires qui contrastent beaucoup, et qui permet de proposer deux visions de l’adultère, et non une seule et figée. Au-delà de nuancer les relations et montrer comment petit à petit ces femmes prennent la décision de vivre pleinement, le drama s’affranchit des codes traditionnels, comme ces femmes, en offrant un discours mâture et aucunement moralisateur, sans pour autant les encourager dans leurs choix. Voilà un drama comme je les aime, qui n’ôte pas les mots et maux des personnages, mais qui les présente sans jugement.

Oui, le drama va au-delà des préjugés en présentant plusieurs types de femme face à l’adultère. Deux femmes différentes qui finalement vont s’entraider dans leur quête personnelle. Si au début on doute de l’amitié sincère de Su Ah envers Ji Eun, qui semblerait trouver une toute nouvelle occupation en la taquinant sur ses penchants sexuels, au fur et à mesure, on la voit s’ouvrir à cette nouvelle voisine totalement pure et sincère. Une rencontre bouleversante également pour Ji Eun qui à l’instar de Su Ah, pour la première fois, va oser bousculer sa vie amoureuse. Les choses auraient tourné tout autrement s’il n’y avait pas eu cette rencontre entre les deux femmes. En effet, même si elle fait ses propres choix, Ji Eun puise tout de même une partie de son courage en observant la volonté de Su Ah. Pourtant, il est assez amusant de voir que Ji Eun avait les mêmes idées conservatrices que les autres sur la question de l'adultère, soit "un acte honteux impensable", mais petit à petit à travers la force de Su Ah et face à ses propres sentiments, elle relativise en acceptant ce que tout le monde trouve tabou. Il est donc intéressant de voir son cheminement de pensées vers un nouveau point de vue. Un point de vue qui pourrait servir de modèle et potentiellement faire bouger les choses en Corée.

Une fois le bouton enclenché, Ji Eun sait pertinemment qu’il n’y aura aucun retour en arrière possible. La peur au ventre, elle ose enfin penser pour elle et qu’est-ce que c’est beau d’entendre en voix off ses pensées! Certes égoïstes par rapport à son mari et son entourage, mais tellement véridiques et sincères. Elle brise les culpabilités de nombreuses femmes en s’accordant pour une fois le bonheur. Un bonheur qu’elle n’arrive pas à trouver avec son mari qui lui refuse tout contact physique et mental. Une réalité encore plus dure à digérer lorsqu'on sait son désir omniprésent d’être mère. Alors la voir aussi heureuse avec son amant nous donne des papillons dans le ventre et on ne peut que s'émerveiller devant un couple aussi mignon qui ne brûle pas tout de suite les étapes mais qui se cherche à tâtons. On a là un couple sincère, plein de naïveté, accentué par des jeux de regard baignant parfois l’ambiance d’une pure sensualité. Un couple qui nous rappelle nos premiers coups de foudre amoureux. En observant cette fusion parfaite, on comprend que Ji Eun ne pourra jamais rester avec son mari. Si l’amour peut paraître dérisoire lorsqu'il est encore enfoui au plus profond de notre être, il ne l’est plus lorsqu'il a trouvé sa cible et demande insatiablement à être assouvi. S’il ne le peut pas, alors la notion de "mourir d’aimer" prend tout son sens. Ji Eun et Su Ah prennent cet amour passionnel de plein fouet et sont obligées d’avancer, non sans conséquences, vers leur deuxième moitié. Deux types de femme donc aux tempéraments différents vont expérimenter l’adultère. Une situation assez singulière pour un drama qui invite fortement ses spectateurs à se mettre dans la peau de l’un des personnages.

Mais ne mettons pas de côté les hommes qui sont, eux aussi, victimes de leur condition. Car si le drama met en valeur les femmes ainsi que leurs (més)aventures, le réalisateur n’en oublie pas pour autant le rôle des hommes qui les accompagnent. Nous pouvons donc aisément nous mettre à la place des deux parties et comprendre tout autant les agissements des femmes que ceux des hommes. Bien entendu, cela engendre également des tensions, qu’elles soient morales ou physiques et plus précisément sexuelles, puisque les hommes sont aussi mis à l’épreuve concernant leurs propres désirs et quant à la pression qu’ils subissent ou non au travers de leur famille. Car si les femmes sont en proie à une pression sociale importante compte tenu de la vision du cocon familial, il en va de même pour les hommes qui sont tiraillés entre leur rôle de mari, de père, ou tout simplement leur nature d’homme. Un contraste relativement intéressant puisque le drama ne nous présente pas l’homme comme principal responsable des événements, mais il ne reste pas non plus totalement une victime. Les deux partis ont leur impact et leur influence sur le couple, ce qui est d’autant plus réaliste que de remettre la faute sur un seul camp. Le drama n’a pas pour but de choisir un réel coupable dans l’histoire, mais plutôt de montrer que l’amour a de nombreuses nuances et que chacun possède sa part de responsabilité au sein de sa propre histoire.

L’adultère a toujours été un sujet tabou, à l’image de l’œuvre de Flaubert, Madame Bovary, qui au XIXème siècle a comparu en procès pour trouble à l’ordre public et atteinte des bonnes mœurs. Flaubert fut acquitté par la suite, mais cela montre combien même une œuvre peut faire l’objet de censure lorsqu'il s’agit de parler de ce sujet. L’adultère est d’autant plus mal vu qu’il représente une atteinte potentielle aux valeurs sociétales, une remise en question du mode de vie conservateur et un choix allant contre la morale. Et en Corée, cela était également prohibé car ceux ayant une aventure extraconjugale étaient passibles d’une peine de prison, selon une vieille loi. Cette loi, était à l’origine en vigueur pour protéger les droits des femmes, où le mariage ne le faisait peu et que l’alternative du divorce était très mal vue à l’époque. Si l’adultère est toujours considéré immoral, il n’en est plus un crime puisque cette loi a été abolie, montrant combien les mutations ne cessent de changer la Corée et que les lois doivent s’adapter aux changements d’époque. Enfin, les lois ne devraient pas intervenir dans la sphère privée de ses citoyens et les juger, car on sait, personne n’est exempt de critiques. Cela permet à chacun de garantir les libertés et droits individuels et c’est aussi pour cette raison que la loi a été abolie.

En effet, à travers la métaphore de la cage évoquée précédemment, le scénariste a très certainement voulu accentuer ces libertés et droits individuels que tous coréens devraient accepter et respecter par rapport à soi et à l’autre. Il invite par exemple les mères aux foyers - ici représentées à la fois par Su Ah, mère de deux enfants et Ji Eun, mère des deux oiseaux - d’être à la fois mère, mais rester aussi femme avant tout. L’abandon de soi en tant que femme pour élever ses enfants est bien trop fréquent, et particulièrement en Asie. A l’image de nos personnages, ils invitent les femmes à sortir de leur cocon, se lier d’amitié, à trouver l’amour, à vivre et trouver le bonheur tout simplement. Su Ah va d’ailleurs réfléchir longuement à cette question pour retrouver enfin son propre chemin. Un choix cornélien qui ne sera pas forcément accepté tout de suite par ses enfants. Le scénariste ouvre un réel débat pour les femmes sans forcément prendre parti tout en suggérant une issue réaliste, pleine d’espoir. Il n’évite tout de même pas certains clichés lorsque les

La représentation de la femme jalouse qui ne s’exprime que par la violence reste tout de même un cliché propre à Dramaland. Le scénariste aurait pu peut-être inverser la tendance justement par rapport à l’a priori de Ji Eun dans le supermarché. Toutefois, les divers comportements des personnages par rapport à la nouvelle nous laisse réfléchir sur nos premières réactions dans cette situation.

Une réflexion bien entendu qui s'étend sur le divorce plus généralement. Notre personnage, Choi Su Ah s’est mariée pour l’argent, et le revendique pleinement. Mais elle n’a jamais éprouvé le moindre amour pour son mari, elle reste mariée avant tout pour ses enfants; quant à Son Ji Eun, elle opte pour le choix de la commodité et des convenances, avec l’espoir et la volonté de croire que son mariage ne fait que battre de l’aile, si on reprend le champ sémantique volatile. Pour Yun Jeong Wu, il n’a épousé sa femme que par pitié, et n’a jamais eu l’occasion de vivre une vie maritale avec elle car elle est restée aux Etats-Unis. C’est lorsqu'elle revient que les choses se déclenchent car il s’aperçoit qu’il se sent étouffé dans cette relation, dans laquelle qui plus est, on lui met la pression pour se marier officiellement (ils l’avaient fait aux Etats-Unis quand ils étaient là-bas mais pas en Corée) et avoir rapidement un enfant. Elle veut également qu’il change de travail alors qu’il s’y plait. On ressent presqu'une honte de sa part à l’égard de son mari car elle voudrait qu’il soit professeur et chercheur en université, et lui désire enseigner au lycée, ce qui blesse profondément Yun Jeong Wu, qui exerce son métier avec passion et honneur.

Et c’est quand ils s’y attendent le moins et qu’ils ont déjà perdu ou sont en train de perdre tout espoir depuis bien longtemps, que frappe à la porte l’ombre du désir et s’y loger au fond d’eux. Ils n’ont pas cherché à tomber amoureux, mais cela leur est tombé dessus. Cela demande un sacré lâcher prise et quelques sacrifices, car il n’est pas question dans ce drama de voiler les conséquences de ces choix qu’ils assumeront avec courage jusqu'au bout. Ils seront épris de culpabilité tout le long également ce qui les invitera souvent à remettre en question leurs histoires. Pourtant, même en ployant sous le poids de la honte et de la culpabilité, l’amour sera plus fort et ils le choisiront en dépit des avis des autres.

Rompre avec la solitude, trouver refuge dans une histoire qui redonne un élan vital voilà sans doute ce qui traverse l’esprit de nos protagonistes. C’est justement en faisant l’expérience de l’amour, qu’ils ont perçu qu’ils s’étaient sacrifiés dans leurs relations respectives croyant pouvoir être heureux, alors que le bonheur est aussi fugace que ces moments volés avec leurs amants, il ne se provoque pas, il se présente à nous. Ainsi, si nos deux personnages principaux ne sont pas heureux au début de cette relation, elles ne pourront pas l’être par le futur car l’amour ne se suscite pas et le confort ne fournit pas non plus le bonheur. Et cela est valable pour Jung Woo qui n’éprouve aucun sentiment (amoureux) pour sa femme si ce n’est la pitié/compassion à son égard, avec qui il s’est marié sans jamais vraiment se sentir en couple car dans sa tête, les projets qu’il faisait ne comprenaient pas tellement sa femme. Et c’est d’ailleurs parce que sa tête ne réalisait pas qu’il avait des engagements que son cœur se sentait aussi vide et libre à aimer et qu’il est donc tombé amoureux de Son Ji Eun. Bien que Son Ji Eun, Cho Suh Ah et Yun Jeong Wu soient responsables de leurs actes et prises de décisions au niveau de l’adultère et que le drama ne se cache pas de le souligner, leurs maris ou femmes ont aussi leur part de responsabilité dans toute cette affaire, et cela est aussi révélé tout le long du drama. A leur façon, ils en viennent aussi à la tromperie tout particulièrement Lee Young Jae et Chang Gook, et qui leur font endosser toute la culpabilité, alors qu’ils ont aussi un comportement loin d’être irréprochable. Les relations humaines sont complexes, on ne peut donc imputer toute la responsabilité à une seule et même personne. Chacun joue son rôle dans une histoire.

Quant au mari de Son Ji Eun, il a fini par progressivement la délaisser au profit de son travail, d’une collègue de travail qu’il apprécie et de ses oiseaux qu’il traite avec plus d’égard et de respect que sa propre femme. Tous les deux finissent par s’isoler dans leur monde et ne plus communiquer. Le divorce n’est pas envisageable pour lui dans la mesure où il symbolise à ses yeux un échec et une honte d’y recourir. Cependant, aucun des deux n’est épanoui dans cette relation, qui se détériore de jour en jour... C’est le même raisonnement pour le couple Cho Suh Ah et Lee Young Jae, notamment son mari qui traite sa femme comme si elle faisait partie des meubles, qu’elle était à sa disposition et qui ne la respecte donc pas. S’il est heureux de l’avoir, c’est parce que cela le flatte d’avoir une aussi belle femme à ses côtés que son entourage ne se cache pas de lui dire, mais il ne cherche aucunement à passer du temps avec elle, l’humilie parfois voire la déconsidère.

Après toutes ces épreuves traversées par nos personnages, on s’attend à voir une fin à l’image de ce que souhaite voir les coréens conservateurs, à savoir

Une fin qui ne laisse plus planer de doute sur les intentions du scénariste face au tabou du divorce et délivre là peut-être la clé de nombreuses situations tumultueuses en Corée.

Si les dramas lambda présentent un triangle amoureux, on retrouve cette configuration dans Love Affairs In The Afternoon avec un degré supplémentaire puisqu'il s'agit cette fois-ci de trois couples. Un cliché repensé qui amène une vision tout à fait nouvelle, plus mature, et au sein d'un contexte qui en dit long sur les intentions du réalisateur et ses convictions. Il met en exergue un véritable problème sociétal actuel car il n'est pas faute de constater que, de nos jours, beaucoup de personnes "cherchent l'amour" : l'amour est une commodité, ce dont à quoi l'on devrait se conformer pour "être heureux" et rentrer dans les carcans de la norme, de la morale prérequis. La recherche du bonheur, de l'amour... plus qu'un simple désir humain, plus qu'un accomplissement, est devenu un dicta sociétaire qui conduit les personnages à leur propre perte. Une perte presque identitaire puisque les apparences les poussent à refréner leurs désirs, leurs envies, leurs passions, tout ce pour quoi ils pourraient vivre. Un déclin de l'esprit, une mort cérébrale, un état de zombie duquel seuls leurs sentiments renaissants, au travers de la nouveauté et de l'arrivée de l'amour, pourront les délivrer pleinement.

Mais la société contraint nos personnages à se conformer à cette norme, à garder une certaine image auprès des autres malgré leurs désirs divergents et altérés par leurs propres sentiments. La frontière entre le bonheur suggéré par autrui et le bonheur éprouvé par les personnages existe belle et bien et c'est cette frontière que chaque personnage se surprend à remettre en question à sa propre manière. "Chaque personnage", car même si ces derniers ne sont jamais seuls - ou rarement - physiquement, leur esprit demeure las et distant. Et c'est bien plus caractérisé chez le couple principal qui l'exprime via un caractère calme, posé, hésitant, mais pourtant chaleureux car lorsque nos deux protagonistes Ji Eun et Jung Woo se voient, se réunissent, ils sont alors ensemble, connectés, et bel et bien présents l'un pour l'autre. Cette situation est également caractéristique des amitiés présentées au sein du drama, particulière celle de Ji Eun et Soo Ah. D'ailleurs, c'est probablement tout ce réseau, ce schéma comportemental, cette gangrène émotionnelle, qui justifie une partie de la réalisation dont nous parlerons un peu plus tard.

Love Affairs In The Afternoon nous apprend à faire la part des choses et nous montre au travers de divers aspects que, même si parfois le bonheur de manière générale et celui d'autrui nécessitent sacrifices et persévérance, il ne faut pas pour autant oublier ses propres désirs au risque de se perdre intégralement et de passer à côté de son propre bonheur. La quête du bonheur, aussi périlleuse et louable soit-elle, ne devrait en rien se dispenser d'une touche d'égoïsme dont prennent conscience Ji Eun et Jung Woo tout au long du drama et qu'ils peinent à assumer pleinement face au jugement des autres, contrairement à Soo Ah qui, elle, ne se garde pas de vanter ses prouesses adultérines auprès de Ji Eun. Et c'est probablement cette mise en confiance, cette amitié, qui poussera Ji Eun à songer davantage à elle-même au fil du temps bien que le chemin soit semé d'embûches.

La réalisation vient souligner avec délectation et finesse l’histoire qui se déroule sous nos yeux. Elle est sublime, avec des gros plans significatifs, qui se suffisent à eux-mêmes. J’ai en tête le fameux gros plan sur les mains jointes durant la balade en forêt, qui mettent en avant l’union de ce couple adultérin certes, avec le rappel de leurs engagements respectifs autour du symbole des bagues, mais qui s’aiment profondément avec ce moment de tendresse. J’ai aussi en tête ces moments suspendus remplis de grâce et de beauté, avec la scène où ils se recroisent sous la pluie et que Yun Jeong Wu lui lace ses chaussures. Que ce soit la prise de vue, la colorimétrie et l’interprétation, tout participe au charme de cette rencontre.

Un moment effectivement très fort qui est très certainement l'élément déclencheur du désir charnel pour nos deux amoureux... un moment intense à la fois pure et plein de désir accentué par un champ contre-champ en gros plan sur les visages. Ne voulant moi-même absolument pas gâcher ce doux passage, je me rappelle avoir stoppée ma respiration, les laissant dans leur intimité.

Le drama ne cesse de nous surprendre avec son esthétique travaillé, poétique et délicate, avec des scènes qui le traversent et qui rappellent la candeur de l’un de nos couples, et la passion dévorante pour l’autre couple. Comme eux, on succombe doucement dans la tiédeur, la tendresse et l’ivresse d’amour des moments qu’ils partagent ensemble. La caméra réussit très bien à rendre compte de l’émotion vive qu’ils ressentent, mais aussi à montrer l’imprudence qu’ils commettent en sombrant graduellement dans cette béatitude amoureuse, qui les compromet progressivement. Ils en oublient presque cet amour est vu par les autres comme illégitime, pourtant ils savent dans leur cœur pour qui il bat...

Parce qu’il faut bien aussi noter les éventuels points négatifs, j’aimerais parler du rythme qui a tendance à étourdir au niveau du 12e épisode car cela s’emballe et j’ai eu l’impression que le drama tournait en rond au-delà de ce douzième épisode, car il restait encore quelques épisodes et qu’il ne pouvait pas encore conclure et qu’il était déjà arrivé à l’acmé. Et donc à cause de cette accélération, j’ai remarqué que le rythme a fini par s'essouffler de lui-même et a mis un certain temps avant de retrouver sa cadence de croisière. Après ce moment de flottement j’ai retrouvé la dynamique de départ et qui me convenait. Mais j’ai été surprise en tout cas de "l’irrégularité" sur les derniers épisodes.

Simplicité, poésie, humilité, sont indéniablement les grands axes de la réalisation qui caractérise Love Affairs In The Afternoon. De nombreuses scènes nous embarquent dans une ambiance intime, intense, expressive et pleine d’émotions, ce qui ne manque pas de nous bouleverser. Ainsi pouvons-nous aisément compatir avec les personnages tout au long du drama, et les accompagner dans leur parcours comme si nous faisons intégralement partie de leur aventure. Une sensation agréable et un rythme appréciable pour nous spectateurs qui sommes entièrement happés par cet univers si particulier, si singulier, et pourtant si réel et humain. Une réalisation qui nous offre de quoi frémir pendant toute la durée du drama.

Une réalisation en parfaite harmonie avec les différents messages que veulent nous adresser le réalisateur et le scénariste. A travers la caméra toute la beauté poétique du drama ressort avec l’allongement des séquences et la diminution des plans, comme si chaque parole, chaque mouvement des personnages prenaient tout son sens. De nombreux travelling arrière, où la caméra s’éloigne du sujet filmé, renforce l’intimité des couples. La subtilité demeure aussi par le choix des couleurs. Tout au long du drama, il y a une certaine dualité entre les couleurs sombres liées aux sentiments négatifs et les couleurs plus vives liées aux sentiments positifs, comme ce parapluie jaune au moment de la balade dans la forêt qui symbolise les cœurs illuminés de nos jeunes amoureux. Cette opposition des couleurs est finalement à l’image de l’indécision des personnages concernant leurs choix amoureux.

C’est peut-être le seul point négatif que je pointerai. L’ost quand bien même très sympathique, n’est pas assez marquante ou bien trop souvent manquante dans certains moments clefs. Elle n’était donc pas assez présente je trouve alors qu’elle était pourtant jolie. Généralement, une OST efficace est une OST qui reste dans la tête et je dois dire que je ne me rappelle guère de ses chansons, si ce n’est une seule, alors que je viens seulement de quitter ce drama. Ma préférée et celle dont je garde un bon souvenir car touchante, est Love Affairs in the Afternoon de Jang Hye Jin.

J’ai également noté le manque d’OST, ne serait-ce que dans les scènes phares du drama. Il est vrai que si dans certains dramas les mélodies finissent par rester en tête, et parfois même un peu trop selon leur degré de présence, ce n’est pas le cas de l’OST de Love Affairs In The Afternoon qui se veut discrète et en retrait. Cependant, ce manque est probablement selon moi un parti pris du réalisateur puisque les silences et les non-dits ont une importance capitale au sein du drama. Masquer les silences par de la musique, ainsi que bien souvent les bruits produits par la ville ou la nature environnante, n’était donc peut-être pas son but et c’est pour cette raison que le dramase voit plus épuré musicalement parlant. J’ai trouvé que ce n’était pas un mal, car je trouve parfois que les réalisateurs ont justement la main un peu trop facile concernant la fréquence des OST. J’apprécie effectivement leur récurrence, mais justement dosée.

De mon côté, j’ai également trouvé que les OST se faisaient discrètes au profit de silences et de dialogues symboliques entre les personnages. Ces moments suspendus permettent de créer une atmosphère singulière en accentuant la timidité ou la sensualité des jeux amoureux. Cela dit, l’apparition de l’OST de Woong San One vers le douzième épisode m’a complètement retourné... Une OST qui vous prend aux tripes non seulement par son lent crescendo mais aussi par ses paroles en totales adéquations avec la situation de nos personnages, un amour brûlant de l’intérieur qui les entraînent vers un point de non-retour.

J’ai vu la version japonaise (datant de 2014) quasi en même temps que celle coréenne. J’avais comme une envie de découvrir l’esprit de cette proposition visuelle antérieure à celle coréenne, tout en les jaugeant simultanément. Elle comporte seulement onze épisodes donc moins que le drama coréen, ce qui donne cette impression de resserrement de l’intrigue, et donc la sensation que les événements se déroulaient bien plus vite. Le drama japonais tend moins à mettre l’accent sur la sensualité de nos personnages. J’ai trouvé également nos personnages assez insipides et fades, avec beaucoup moins de relief ni de volonté. Cela est moins porté sur les effets de styles, avec davantage du réalisme que de la poésie. Le fait que cela soit moins poétique n’est pas une critique car c’est un choix du réalisateur et une question de style, mais j’ai préféré l’aspect réflexif et lyrique qui se disséminent dans les dialogues de nos personnages, à travers l’image et dans leurs actes, plutôt que l’étonnant réalisme du côté du drama japonais. Pour exemplifier mon propos, j’évoquerai par exemple l’animal de compagnie de notre couple qui dans la version japonaise est un hamster, bien moins parlant au niveau métaphorique que le couple d’inséparables (oiseaux) avec non seulement l’idée de communion (couple), mais aussi de liberté (l’animal en lui-même portant la symbolique). Mais comme je le disais précédemment, tout est une question de goût.

Un drama aigre-doux qui ne prive pas du goût suave et sucré de la passion qu’éprouvent nos personnages, mais qui n’oublie pas également de faire ressentir les quelques notes acides de ces amours fiévreux et dévastateurs, qui anéantissent l’équilibre initial de leurs vies... Un drama que je vous recommande vivement.

Love Affairs In The Afternoon est définitivement un drama à ne pas manquer par ses thématiques poétiques sur l’amour. A travers l’éveil des passions interdites, se dégage des réflexions pleinement humaines, représentant un réel impact sur l’évolution des pensées en Corée et sûrement dans d’autres pays également. Avec tout ce qu’on vient d’évoquer, sans surprise, j’ai été complètement séduite et chamboulée par cette histoire... Je ne peux que vous la recommander.

Love Affairs In The Afternoon s’est révélé être un drama poignant, rempli d’émotion et surtout très humain. Grâce à ses nombreuses réflexions, à la poésie reflétée par sa réalisation mais aussi au scénario incroyablement bien construit et aux acteurs qui interprètent leurs personnages avec une justesse folle, tous les ingrédients sont réunis pour vous faire passer un délicieux moment. Alors si vous hésitiez lancer votre visionnage avant de lire cet article, peut-être nous aurions-vous fait changer d’avis !